Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA RÉPUBLIQUE; LA CONVENTION 273

Le 23 octobre 1792, dans sa lettre à Jefferson, il met les deux partis en présence et il expose leurs griefs à ce moment. Les Jacobins reprochaient à leurs adversaires d’avoir voulu renverser Louis XVI mais non la monarchie et d’être, par conséquent, des royalistes déguisés : « Ils certifient que ceux qu'ils appellent les Brissotins n'avaient aucun désir de renverser la monarchie, mais voulaient seulement avoir les pains et les poissons pour eux et leurs amis ; que l’affaire du 10 août est arrivée non seulement sans leur aide, mais contrairement à leurs vœux; qu'après les événements, ils en ont pris avantage pour faire donner le pouvoir exécutif à leurs amis particuliers, mais que, même alors, ils ne voulaient pas consolider la Révolution par la destruction de ses ennemis, ce qui fut fait, disent-ils, le 2 septembre et jours suivants et ce que prétendent blâmer ceux qui, maintenant, en retirent les fruits en sûreté !. » On a vu précédemment comment se défendaient les Brissotins?. Dans la mème lettre il signale l’antagonisme entre Paris et les départements, qui était peut-être le point central de la bataille: « La majorité de la Convention (elle est alors Girondine), n'étant point sûre du peuple de cette ville et craignant qu'il ne se mette en tête de faire une autre révolution, lorsqu'il sera fatigué du présent état de choses, a demandé (à titre privé) une garde à différents départements... J'avoue que je considère cela comme une fausse manœuvre en politique, bien que, comme paisible citoyen de Paris et intéressé au maintien de l’ordre. elle me soit personnellement agréable. Au point de vue du raisonnement, il est clair que ce n’est point un trait républicain et prima facie il implique que la Convention a l'intention de faire des choses que désapprouverait la majorité de la capitale et de là il suit encore ou que les intérêts des provinces et ceux de la capitale sont différents ou bien que les mesures en vue sont contraires aux penchants des uns et des autres. Mais ce n'est pas au point de vue des arguments théoriques que ces choses doivent être appréciées, mais par l'examen de leurs conséquences probables. Une garde de cette espèce évidemment trace une ligne de démarcation

1. TL. Ï, p. 595. — 2. Ci-dessus, p. 218.