Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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peuple le ton de l'égalité, de l'humilité, du respect ; aujourd’hui on parle en maîtres et la moindre désobéissance est un crime irrémissible!. » Ces commissaires de la Convention étaient d’ailleurs copiés, probablement d'instinct, sur le modèle des premiers intendants de l’ancien régime, de ces intendants qui, à la fin du xvr° siècle et dans la première moitié du xvu°, avaient eu à réparer les maux des guerres civiles et lutté contre les gouverneurs et la haute noblesse. Quand on serre de près lacomparaison on trouve, au point de vue technique, entre les uns et les autres des ressemblances constantes.

Ce qui permettait cette suprématie de l'autorité centrale, c'est que le peuple, qui avait tout entier pris ou reçu des armes en 1789, et les avait gardées depuis lors, était maintenant désarmé. « En ce moment le peuple entier est désarmé il ne reste pas un fusil ni dans les villes ni dans les campagnes?. » Cependant cela paraît invraisemblable. On le sait. par des milliers de faits, ce n'étaient pas les gendarmes seuls qui procédaient aux arrestations, aux perquisitions, aux réquisitions. Oui, mais on n'avait laissé des armes qu’à ceux dont on était sûr: « Ce sont là leurs janissaires, leurs prétoriens. Paris et l'empire se trouvent soumis à cette force, soumise elle-mème au Comité qui en à nommé les chefs, fixé les fonctions, réparti les divisions, et qui en solde chaque individu par un paye triple de celle du soldat ordinaire. » Le Comité sait ce qui se passe partout, grâce à ses agents, grâce aux dénonciateurs que font éclore partout, comme des champignons vénéneux, le zèle et la crainte: « Trois, quatre personnes, à moins d'être les complices du Comité, ne sauraient s'assembler ni se réunir sans danger, soit à la promenade, soit dans leurs maisons *. » Le Comité a sous lui et à sa dévotion une armée de fonctionnaires: « La multitude des employés publics, dont le salaire, les fonctions, la liberté, la vie sont à la merci du Comité, lui font une armée de créatures. On compte trente-cinq mille de ces employés dans la capitale ÿ. »

1. Mémoires, t. Il, p. 6. — 2. Mémoires, t. IL, p. 8.

3. Mémoires, t. II, p. 52. — 4. Mémoires, t. IL, p. 6.

5. Mémoires, t. II, p. 56.