Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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les sections, où ne vont plus bientôt que les petits politiciens de l’époque, c’est bien le peuple qui prétend participer directement au gouvernement, à l'administration ; et, pour forcer la main aux ministres et aux Assemblées, il a des moyens puissants et gradués : la pétition, la grande démonstration populaire, l'insurrection. Le Comité de salut public luimême est forcé de respecter cette organisation: « Quoique le Comité ait entièrement suspendu dans les départements cette influence anarchique de la démocratie délibérante, il n’a pas osé la frapper à sa source dans la capitale. Comprimée quelque temps par la vigueur de la dictature et par les accidents de la campagne qui favorisaient l’action despotique de celle-ci, elle n’a pas tardé à se ranimer. Les sections sont devenues le refuge de tous les ambitieux désappointés, des coquins indisciphinables, des perturbateurs subalternes, des matamores de la sans-culotterie et encore d’un nombre de contre-révolutionnaires cachés, qui, sous le bonnet rouge et le pantalon brun, font force de poumons dans ces tripots, propagent la discorde et se font remarquer par la violence de leurs motions. Chaque section renferme un Comité de surveillance et un Comité révolutionnaire, dont la compétence devrait se borner aux objets de police locale et qui, dans le fait, sont autant de foyers d’intrigues, d'innovations, d'indépendance et de troubles. — Cette démocratie élémentaire, en collision de force avec le pouvoir représentatif, tend invinciblement à échapper à la Convention, à usurper une partie de ses fonctions et à la gouverner !. »

L'intervention insurrectionnelle de la foule avait d’ailleurs sa théorie. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui précède la Constitution du 24 juin 1793, l’expose avec clarté et précision : « Art. 32. Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ou limité. Art. 33. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l’homme. — Art. 34. Il y a oppression contre le corps s0cial lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. IL y aoppres-

1. Mémoires, t, II, p. 67.