Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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tion de l’an III, qu'il accuse d’avoir désarmé le pouvoir exécutif, en le privant de prérogatives essentielles : « Un progrès incontestable des idées qui, heureusement, commencçaient à dominer et tendaient au retour de l’ordre, ce fut non seulement la division des trois grands pouvoirs, législatif exécutif et judiciaire, mais la séparation du corps législatif lui-même en deux Conseils; on n’osait pas les appeler les deux Chambres à cause de la comparaison qu’on craignait d'en voir faire avec les deux Chambres de l’Angleterre, regardées jusqu'alors dans le langage populaire comme type d'aristocratie… Tout cela eùt pu s'arranger parfaitement, si le pouvoir exécutif, qu'on craignait même de désigner par son nom, eùt été réellement engrené avec ces deux rouages de la, législation : si, pouvant faire des indications et des messages, il avait eu le droit de paralyser les mouvements irréguliers et d’empêècher les excentricités. Mais, sans insister sur les regrets qu'on peut donner, par suite des cruelles expériences résultant de cette lacune dans l’organisation des pouvoirs et, pour ainsi dire, dans l’armement de la force exécutive, je ne puis laisser sans reconnaissance cette disposition des hommes éclairés de la Convention, qui leur fit consacrer le principe des deux Chambres !. » Le Directoire en eflet, pas plus que l'initiative des lois, n’avait le droit de veto. Ce n’est pas seulement ce droit, précieux aux mains du Président américain, que réclamait Barras : « pendant, que la Convention s’occupait de jeter les bases du système de gouvernement qui devait la remplacer, la défiance qu'inspirait le pouvoir exécutif était telle qu'on redoutait toujours de ne pas assez le restreindre. En conséquence la trésorerie fut placée sous la surveillance du Corps législatif, qui fut chargé d’en nommer le personnel. Le droit de casser les Chambres législatives, qui peut-être aurait conservé la République, ne fut point accordé au Directoire. Ses ministres ne furent point admis aux séances du Corps législatif, parce qu’on craignait leur influence 2. » Ainsi, après le droit de veto, c’est le droit de dissolution qui est là réclamé pour le Directoire. Barras montre bien que la Tréso-

1. Mémoires de Barras, &. I, p. 339. — 2. Mémoires, p. 340.