Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 315

rerie nationale lui échappait : il eùt pu ajouter qu'il n'avait point, comme l’affirme Marmontel, le droit d'annuler les élections. C’est aux deux Conseils qu'il appartenait de les vérifier et de les valider ou annuler par une loi. La vérité est que pour beaucoup d’actes importants, comme la ratification des traités, il fallait l'approbation des deux Conseils : mais, en obtenant cette approbation le Directoire pouvait à peu près tout faire. Il s’'arrangea pour avoir dans sa main la majorité des Assemblées. Selon Marmontel cela eût été bien facile : « Parmi les magistrats du peuple, la crainte d’être déposés, le désir d’être maintenus : dans l’Assemblée nationale, l'ambition d’avoir pour amis les promoteurs aux grandes places et ceux qui tenoient dans leurs mains les récompenses et les peines, selon qu'on les auroit bien ou mal servis : tout cela, dis-je, fit pour le Directoire une puissance devant laquelle les Conseils furent anéantis !.» Cependant, on le sait, cette influence par la distribution des places ne fut point toujours suffisante. L'habitude des coups de force continua; mais ils prirent une forme nouvelle. Ils vinrent du pouvoir exécutif et l'armée entra en scène.

Aussi Morris déclare-t-1l à plusieurs reprises que le gouvernement est véritablement militaire et je crois qu'il entendait par là deux choses : d’abord que l'armée était la, prête à soutenir par la force le Directoire à l'intérieur ; puis que le Directoire portait toute son attention et tous ses efforts vers la guerre, l’action des armées à l'étranger. Le 26 novembre 1795 (Brumaire an IV) dans un passage déjà cité, 1l note : « Les Français sont tout à fait découragés depuis leur dernière bagarre avec la Convention : le présent gouvernement est purement militaire?. » Le 19 décembre suivant (Frimaire an IV) dans une lettre à Washington : « Il n'a point échappé à notre perspicacité que la France est maintenant un gouvernement militaire, et, par suite, sur le chemin direct qui mène au despotisme d’un seul, si elle obtenait la paix des puissances alliées; mais il semble y avoir maintenant loin entre ses espérances et les leurs. Elle est sans doute épuisée ; :

1. Mémoires, t. I, p. 335. — 2. T. II, p. 156.