Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 317

toires futures du grand capitaine et sa domination.européenne. L'an passé, notre éminent et regretté confrère M. Albert Sorel, dans un article sur un livre de M. le capitaine Mahon', rappelait cette vérité: « Le grand intérêt de ces annéts 17981799, de l'embarquement à Toulon au débarquement de Fréjus, est de montrer comment le consulat de Bonaparte se prépare sans Bonaparte, comment toutes les causes de l'Empire se posent en l'absence du futur Empereur. Si l'on veut savoir dans quelle mesure l'avènement de Bonaparte, son ca ‘ractère, son ambition et son génie influèrent sur la politique de la France en Europe et déroutèrent, plus ou moins, hors de France la Révolution française, il faut étudier à fond, et dansle détail, les événements qui se produisirent en son absence. On s'explique alors jusqu'où on alla avec lui à considérer où l'on allait sans lui. Guerre et politique, Bonaparte a accompli les desseins que le Directoire avait conçus confusément et sans en discerner les conditions et, s’il les a dépassés, ce n'est qu'en continuant la route et en suivant l'impulsion. Son génie débrouilla l'ouvrage des brouillons : les brouillons n’en furent pas moins ceux qui « gâchèrent » la besogne?. » Cette évolution, que notent avec sûreté les historiens modernes, Morris, contemporain des faits, l’a notée lui-même sur la plupart des points.

Il voyait en même temps les faiblesses du Directoire. Il en avait deux qu'il tenait de son origine, c’est-à-dire de la Constitution : l’antagonisme presque inévitable avec les Conseils étant donnée leur mdépendance réciproque et constitutionnelle, les luttes intérieures dans son propre sein. Au 18 fructidor ces deux éléments de trouble se rentontrèrent et se combinèrent, Dès le 27 juillet 1597 (thermidor an V) Morris signale le conflit qui s'élève entre les deux pouvoirs: « Les deux Chambres en France sont tombées d'accord pour prendre le commandement de la trésorerie et la retirer des mains du Directoire et le milliard pour l'armée est mis sur le tapis. C'est, je le crois, l'écueil sur lequel la République viendra se briser. » Peu auparavant, revenu d'Angleterre à Hambourg,

1. Études sur les armées du Directoire. — 2. Le Temps, du 23 septembre 1905.