Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

MORRIS RENTRÉ AUX ÉTATS-UNIS 3069

Hamilton me dit que je dois prendre ma part active dans nos affaires publiques, parce que les Antifédéralistes sont décidés x détruire la Constitution ‘. » En effet, au mois d'avril 1800. il fut élu sénateur des États-Unis « ce qui, dit-il, est un malheur ? ». On comprendra aisément avec quelle conscience et dans quel esprit il exerca ses fonctions. Mais là il retrouva les petitesses et les intrigues. Le 14 décembre 1800 il écrivait à la princesse de Tour et Taxis, se raillant lui-même : « Je fais ici le métier de sénateur et je m'amuse nonchalamment à voir les petites intrigues, les folles espérances et les vains projets de l'animal fier et faible qui s'appelle homme. Il ne nous manque ici que maisons, caves, cuisines, hommes instruits, femmes aimables et autres pelites bagatelles de cette espèce pour que notre ville (Washington) soit parfaite; car on peuf s'y promener déjà comme dans les champs et dans les bois, et, vu la forte gelée, l'air en est très pur. J'en jouis plus qu'un autre, puisque ma chambre se remplit de fumée dès qu'on ferme la porte *. » Mais, malgré sa sagesse pratique, son rôle devint difficile, car il ne crut pas pouvoir, en principe, sou tenir l'administration du président, qui était Jefferson. Son influence s’exerça pour défendre les intérêts des États-Unis au dehors et, au dedans, la Constitution fédérale et les principes conservateurs. Aussi ne fut-il pas réélu, etle 13 avril 1803, il exprimait, à M. John Dickenson, les nobles et patriotiques sentiments que lui inspirait cette erreur de son parti : « Mes ennemis politiques ont eu la bonté de me relever de mes fonctions, et, bien que je ne puisse leur être reconnaissant de leurs motifs, qu'il me soit permis de me réjouir de l'événement. En adoptant une forme républicaine de gouvernement, je la pris, comme un homme prend sa femme, pour la bonne et la mauvaise fortune ; mais je la pris aussi, Ce qui arrive à peu d'hommes au sujet de leurs femmes, en connaissant tous ses défauts. Par suite, l'ingratitude et la calomnie ne peuvent décevoir mon attente ni exciter ma surprise. Si, dans des circonstances difficiles, la voix de mon pays faisait appel à mes services et que J'eusse la conviction bien établie qu'ils puissent

1 DIT p-370 27 T. IL, p. 382. — 3. T. I, p. 394. 24