Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

AU DT GOUVERNEUR MORRIS

ment, défendue par l'aristocratie ministérielle. M. d'Amécourt lui proposa divers projets de remontrances el M. de Machault, m'ayant prié de prendre la plume, me dicta quelques phrases qui eussent pu servir de réponse lorsque autrefois le ministre s’imaginait tout faire avec la grande députation, en remettant quelques mots insignifiants aux députés. Mais une résolution qu'il exprima positivement et sur laquelle il me parut inébranlable fut celle de ne jamais s'établir à Versailles et surtout de n'y jamais prendre place dans le Conseil'. » Voilà, certes, un sage vieillard: mais que penser des politiques qui songeraient, dans cette heure terrible, à exhumer ce fantome du passé, pour le mettre sur la brèche?

J'ai dit plus haut que si le roi avait promulgué en 1787 où en 1788 une charte de libertés, semblable à celle qu’il apporta dans la séance royale du 23 juin 1784, probablement le cours des choses eût changé. On peut objecter que presque toutes les idées el les promesses contenues dans ce dernier document se trouvent déjà dans les dernières pages du rapport que Necker présenta au Conseil le 27 décembre 1788 et sur lequel fut décidé le mode de convocalion des États généraux. Elles étaient présentées simplement comme les vues, les souhaits, les intentions du roi : mais le contenu est à peu près identique de part et d'autre et même le 23 juin 1789 toute la partie qui ne concerne pas la tenue des présents Étals est encore pré= sentée sous celte rubrique : Déclaration des intentions du ro ?.

On peut ajouter que ces déclarations ne passèrent pas 1naperçues des contemporains. Le 3 janvier 1789 l'abbé Morellet écrivait à lord Shelburne: « Enfin hier a paru le rapport fait par M. Necker au Conseil et la décision qui y est jointe. On accorde au liers élat ce qu'il demandoit ; on ÿ annonce sans équivoque des plans et même des résolutions du roi qui lendent à nous donner une Constilution, sinon parfaite, au Moins bonne à mon avis et susceptible d'ailleurs de s'améliorer. En général, le roi s'y réunit à sa nation et l’arislocratie, cette

1. Souvenirs, t. IL. p. 382.

2. Voyez Duvergier, Collection complète des lois, décrits, ordonnances, etc. Rapport fait au roi dans son Conseil par son ministre des Finances, t. I (2° édit.), p. 10-13 et séance du 23 juin, p. 26 et suiv.