Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

INTRODUCTION 5

légitime ; car @ il est dans la nature humaine de faire partager « aux autres sa foi ou son scepticisme. Ce besoin a engendré

les apôtres et les persécuteurs'. » — Comment Jules Simon n'a-til pas vu la double erreur qu'il commettait et sur la nature de la foi et sur les relations entre la société religieuse etle pouvoir civil? Non ! la foi n’est pas, de son essence, intolérante, tous les apôtres d’une idée philosophique ou religieuse ne deviennent pas nécessairement des fanatiques ou des persécuteurs. Sans quoi, il faudrait avec Tolstoï, en ce seul point d'accord avec les lois de son pays, condamner toute espèce de prosélytisme?. La propagande d'une idée peut fort bien se faire par des moyens qui respectent la liberté d'autrui : la parole, l'exemple, la presse ; c'est l'esprit de domination qui, en s’unissant à la foi politique ou religieuse, crée lesprit sectaire el persécuteur. Les chrétiens des trois premiers siècles, les stoïciens, les frères Moraves ne se rendirent pas coupables de cette aberration dela vraie conviction, en quoi ils ont été plus fidèles à l'esprit des fondateurs de leur culte ou de leur école, que les croisés sabrant les Juifs et les Musulmans ou les troupes de Simon de Montfort massacrant les Albigeois.

Il n’est pas moins faux de dire que l'intolérance religieuse est légitime. Ce qui est légitime, de la part des chefs d’une église, où d’une société de morale ou de philosophie, c’est de n’admettre dans son sein que ceux qui se soumeltent à ses riles ou à ses statuts et d'en exclure ceux qui les violent ou en renient les principes. Les premiers chrétiens étaient dans leur droit en n’admettant au baptême que des néophytes, éprouvés par un long novicial et qui faisaient ouvertement profession de la foi apostolique. Ils étaient également dans leur droit en refusant de brûler l’encens devant les statues des dieux payens; ce n'était pas là de l'intolérance, car ils laissaient leurs concitoyens libres de rendre ces hommages.

. J. Simox. Liberté de conscience, 3° éd., p. 1071, 106, 107.

Léon Tozsroï. Article sur les rapports de l'Église et de l'État, dans la shit Review, d'avril 189r.