Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

LA LIBERTÉ DE CONSCIENGE EN, FRANCE

Comment n’apercçoit-on pas qu'il y a une relation étroite entre la tolérance religieuse et la tolérance civile, entre l’intolérance ecclésiastique et celle de l'État ? L'histoire des règnes de Louis XIV et de Louis XV en fournira d'amples preuves. « Il est impossible, a dit J.-J. Rousseau, de vivre en paix « avec des gens qu'on croit damnés, les aimer serait haïr « Dieu, qui les punit ; il faut absolument qu’on les ramène « où qu'on les tourmente. Partout où l'intolérance théolo« gique est admise, ilest impossible qu'elle n’ait pas quelque « effet civil et, sitôt qu'elle en a, le souverain n’est plus sou« verain, même au temporel. Dès lors les prêtres sont les « vrais maitres'. »

Cette observation s'adresse particulièrement aux religions d'État, mais, en toute religion, il est bon que les ministres prèchent aux fidèles la tolérance et réclament de l'État la liberté. La tolérance entre particuliers el confessions rivales fera faire peu à peu aux citoyens l’apprentissage de la liberté. Car il ne suffit pas qu'elle soit inscrite dans les lois ; si l'intolérance règne dans les esprits, elle peut réduire la liberté de conscience à n'être plus que lettre morte. Mais, si cette dernière est entrée dans les mœurs, elle ne sera pas moins favorable aux sociétés particulières qu’à la prospérité publique. Il y à, en effet, entre le sentiment religieux ou la philosophie et la liberté une correspondance étroite et comme une aflinité d'essence. Le sentiment religieux et l'étude de la sagesse tendent à la liberté, comme les yeux du petit enfant se tournent d'eux-mêmes vers la lumière ; car ils ont besoin d’elle pour s'épanouir et porter leurs fruits. Au contraire, soumis à la contrainte par l'autorité, ils s’atrophient et deviennent stériles. De même, il y a identité de nature entre la tyrannie et l’absence de religion ou de philosophie. Aucun despotisme n'a été plus violent, ni plus cruel que celui des athées de 1793 ou celui de Louis XIV. À ces deux époques néfastes, le sanctuaire de la conscience a été le dernier refuge de la liberté

1. Contrat social, chap. var, la Religion civile.