Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

INTRODUCTION 7

proscrile ou errante, comme il l'avait été au temps de la révocation de l'Édit de Nantes ou de la destruction de PortRoyal. Un des premiers ellets de la liberté des cultes est d’exciter entre les confessions diverses une émulation féconde sur le terrain de la science, des lettres et de la charité. Chacune d’elles se piquera d'honneur d'avoir les plus savants théologiens ou les missionnaires les plus intrépides ; elles rivaliseront de zèle dans la direction de leurs ouailles où dans la tenue de leurs asiles de vieillards et d’orphelins. Et cette concurrence de tous les dévouements profitera à l'amélioration morale et matérielle de la société civile. Au lieu de faire couler des flots de sang et d’encre, la religion amollira les cœurs et leur fera étendre le baume de la sympathie sur les plaies sociales. Les arts et métiers, le commerce et l’industrie prolileront eux-mêmes de cel apaisement des querelles religieuses ; car la sécurité des croyances qui nous sont plus chères que tout, fera renaître la confiance dans un durable avenir de paix intérieure el, partant, encouragera les entreprises de longue haleine qui sont les plus lucratives. Aïnsi la liberté de conscience sera salutaire à la société civile, comme aux églises diverses, par le jeu normal des plus nobles facultés de l’âme.

La religion, associée au despotisme, se corrompt et devient un fléau social, mais, unie à la liberté, elle est la sauv egarde des consciences et la bienfaitrice du peuple. Gette loi, qui est comme la conclusion de l'étude psychologique de la religion, nous explique pourquoi celle-ci a causé tant de maux en France, pourquoi elle y a déchainé le fléau des guerres civiles et fait couler tant de sang dans des émeutes ou des révolutions. C’est que la liberté de conscience y est venue au monde très tard el à élé longtemps mal observée par le Gouvernement ; c'est que, même une fois proclamée par les édits ou les décrets, elle était si peu entrée dans les mœurs, que les actes d’intolérance y étaient vite absous par l'opinion populaire.