Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

12 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

royal privé de ses revenus ordinaires ; en deux mots, la vie économique et morale de la nation était paralysée par la guerre civile. Le regard du voyageur n'apercevait partout que ruines d’églises ou d’abbayes, places fortes en construction, troupes en marche. Les cimetières se peuplaient des victimes innombrables de la guerre, de la disette et de la maladie. La France était divisée, appauvrie et déjà l'Espagnol, en intervenant dans nos dissensions, convoitail la meilleure partie du butin. Voilà ce que le fanatisme religieux avait fait du plus beau royaume de la chrétienté ! Lorsque Henri de Navarre fut salué roi à Saint-Cloud par le gros de l’armée royale, la haine confessionnelle était encore si vivace que bon nombre de seigneurs catholiques partirent, en disant qu'ils aimeraient mieux mourir que de souffrir un roi huguenot, et que quelques Protestants, de leur côté, firent défection en alléguant que leur conscience leur interdisait de servir un prince qui s'engageait à protéger l’idolâtrie catholique, par exemple la Trémoille. La meilleure part néanmoins, trois princes du sang et une vingtaine de seigneurs et de grands officiers de la couronne, tels que François d'Orléans, Montmorency, Chabot, Schomberg, restèrent fidèles à celui que le parti des politiques avait déjà proclamé, en 1576, le « Protecteur des Églises catholiques et réformées associées ».

On a dit à tort de Henri IV qu’ « il avait assez de générosilé dans son scepticisme pour être tolérant ». Nous pensons, au contraire, qu'il s'éleva à la notion de la vraie liberté religieuse par esprit de justice, autant que par nécessité politique. Qu'il fût indifférent à l'égard de telle ou telle forme de culte ou formule dogmatique, cela est probable, il n'avait pas impunément changé trois fois de confession. Mais il nous paraît impossible qu'il eût entièrement effacé la forte empreinte biblique qu'il avait reçue de sa mère Jeanne d’'Albret. Cela ressort avec évidence du contenu et du style même de ses lettres. Henri IV avait gardé de son éducation une foi profonde en Dieu et en sa providence, une invincible espérance dans le triomphe de la juste cause et