Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
20 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE
l'hérétique. Mais comme les temps étaient changés ! Tandis que le peuple de Paris avait accueilli la nouvelle de la mort de Henri LIT avec une joie indécente, ce même peuple versa des larmes sincères à la mort du « bon roi Henri ». Les cœurs, à ce moment, furent rapprochés par l'unanimité de la douleur, comme en 1605 ils l’avaient été par une joie unanime. La garde des portes de la capitale fut confiée à des bourgeois des deux confessions (14 mai 1610).
Duplessis-Mornay, gouverneur de Saumur, dès qu'il apprit la mort du Roï, convoqua les magistrats et leur tint ce langage, imbu du même esprit que l'auteur de l'Édit de Nantes : « Qu'on ne parle plus entre nous de Huguenots et « de Papistes ! Ces mots sont défendus par les édits. Quand il « n'y aurait pas d'édits au monde, si nous sommes Français, -« si nous aimons notre pairie, nos familles, nous-mêmes, « ils doivent être désormais effacés en nos âmes. Il ne faut « plus qu'une écharpe entre nous. Qui sera bon Français, « me sera citoyen, me sera frère. » Nobles et loyales paroles, qui font écho à celles du chancelier de L'Hôpital, aux états généraux d'Orléans, mais qui, hélas! n'étaient pas encore comprises par tous.
Néanmoins, l'opinion générale, à Paris surtout, se prononça si énergiquement en faveur du maintien de la concorde religieuse !, condition nécessaire de la paix publique, que les conseillers intimes de la reine : Concini, d'Épernon, laissèrent les ministres du feu roi: les chanceliers Brulard de Sillery, Neufville de Villeroy, secrétaire d'État aux affaires étrangères et le président Jeannin, continuer d’abord sa politique libérale ?. On garda Sully au conseil, bien qu'il füt peu aimé de la Reine. La régente fit écrire à Duplessis (15 mai) qu'elle voulait que « toutes choses continuassent en l’ob-
1. Voir Nicolas Pasouixr. Exhortation au peuple sur la concorde, Paris, 16rr. L'auteur était conseiller et maître des requêtes du Roï.
>. Voir dans Perrexs. L'Église et l’État sous Henri IV, un portrait finement tracé de ces trois anciens ligueurs. Jeannin se distingua par son esprit de conciliation, en religion comme en politique (tome dl;
p. 28).