Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

62 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« n’ont qu'aversion pour nos mystères et sont comme une « espèce de corps, vivant dans l’État d’une manière irrégu« lière, sans faire profession d'aucune religion. »

Aussi, lorsqu'en juillet 1715, pendant que le grand roi se mourail à Versailles, Antoine Court convoqua aux environs de Nimes un synode, — le premier depuis celui de Loudun (1659) — pour réorganiser les Eglises réformées du royaume, sa voix éveilla des échos innombrables dans les cœurs de ces protestants opprimés. Ils accoururent en foule aux services religieux que lui et ses collègues, Corteiz et Roger, célébrèrent la nuit, dans des lieux solitaires, et qui furent connus sous le nom d”« assemblées du Désert ». On vint d’abord y chercher des consolations et des exhortations, ce « pain de la parole de Dieu » dont ils étaient affamés, depuis qu'on. les avait privés de leurs pasteurs; puis, bientôt on y administra les sacrements du baptême, de la sainte-cène et on y bénit les mariages.

Le Régent, qui était humain et indifférent en religion et qui venait de s’allier à trois nations protestantes contre l’'Espagne, eut d’abord quelques velléités de tolérance. Il refusa aux commandants militaires les autorisations qu'ils demandaient pour disperser, à coups de fusil, les assemblées du Désert. Il üira également de la chaîne plusieurs protestants que les Parlements avaient condamnés aux galères‘, Instruit des maux économiques produits par la Révocation, il songea même quelque temps à rappeler les huguenots réfugiés ou bannis à étranger, afin de procurer au royaume « un regain de peuple, d’arts et d'argent. » Il accueillit avec faveur le projet du duc d’Antin, président du Conseil de l’intérieur ; qui proposait d'établir à Douai une « colonie de rappelés » qui eût créé des manufactures en Flandre. Mais peu après, sur l'avis du duc de Saint-Simon, qui lui fit part des exigences qu'auraient les Réformés? et devant l'opposition du Conseil de

1. Micuecer. Histoire de France, tome XV, p.56:

2. On s'étonnera peut-être de la contradiction entre cet avis et le Jugement sévère que Saint-Simon porta sur la Révocation dans ses

8