Histoire de la Révolution, 1747-1793 [i.e. 1774-1793]. République

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ronne ; l'émeute était dans l'âme avant d’être mise en action. Les pairs, les grands corps de l'État étaient accourus : c'était une question de vie ou de mort pour la monarchie; cette question allait se vider, et la France attendait.

Dans un moment aussi grave , de perte ou de salut, on s'arrêta à des incidens futiles. Les pointilles de cour se mélaient aux picoteries parlementaires. Ces légers froissemens firent jaillir les grands amours-propres. Tout, jusqu'aux querelles de livrées, faisait connaître ce que l’orgueil des maîtres avait de petit.

D'É prémesnil avait précédé le comte d'Artois de quelques minutes au parlement : au moment où ses laquais allaient remiser sa voiture, ils trouvèrent une sentinelle qui gardait l'emplacement pour les carrosses du frère du roi. La rougeur monta au front du magistrat qui guidait sa compagnie; il se rengorgea dans sa double hermine et déclara « que sur le seuil du sanctuaire des lois on était de pair à pair. » « I ne voyait pas, » disait-il, « pourquoi sa voiture ne serait pas remisée sur la « même ligne que celle du prince. » Ce mécompte d'amour-propre donna un opposant de plus à la couronne. On demanda à d'Eprémesnil son opinion, et comment allait se passer la séance? « Je saurai museler le lion! » fut sa réponse. Louis XVI un lion! combien les grands esprits se rapetissent. Maïs alors, pour paraître grand, chacun voulait avoir ie pas.