Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 301 montrée à la fenêtre de la cour : un canonnier de garde m'a apostrophée d’une injure grossière, en ajoutant : « Que j'aurais de plaisir à voir ta tête au bout de ma baïonnette ! » Dans cet affreux jardin, d'un côté, on voit un homme monté sur une chaise lisant, à haute voix, des horreurs contre nous ; d’un autre, c’est un militaire où un abbé qu'on traîne dans un bassin, en l’accablant d'injures et de coups ; pendant ce temps, d'autres jouent au ballon ou se promènent tranquillement. Quel séjour! Quel peuple‘! »

Le Roi, profondément affecté de la situation et du cours que prenaient les événements, en avait souvent l'esprit troublé :

« Dernièrement, il ne reconnaissait point son fils et, comme il s'avançait, demanda quel était cet enfant-là. A la promenade, il vit d'une éminence le clocher de Saint-Denis : « Voilà, dit-il à quelqu'un, où je serai «pour le jour de ma fête.» Après un emportement momentané, au sujet des affaires publiques, il parut se calmer et s'écria : « Je m'en f..., je serai mort avant « deux mois. » Il a pleuré etpleure encore le départ de M. de Brissac, et lui a dit en le quittant : « Vous allez « en prison, j'en serais bien plus affligé encore si vous « m'y laissiez moi-même. » Cette situation du Roi est poignante pour toute âme sensible, de quelque parti qu'on soit?. »

1. Mémoires de Dumouriez, Niv. I, chap. vr. 2. Correspondance secrèle, par M. de Leseure. £-