Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

316 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

pain, qu'il y a déjà des centaines de victimes. La vérité est qu'on a trouvé quelques éclats de verre tombés par accident dans un sac de farine; mais il n'y a eu ni malade ni mort.

Un autre jour, on raconte que la supérieure des Sœurs grises de Rueil a perdu son porte-monnaie, dans lequel on a trouvé la preuve qu'elle a envoyé, en quelques mois, 48 000 livres aux émigrés. On raconte que Paris est rempli de royalistes cachés; on se passe de main en main des listes de proscription où sont inscrits tous les patriotes; on publie des pamphlets annonçant aux partisans de la Révolution le châtiment prochain et inévitable qui les attend.

Toutes ces nouvelles, propagées à l’envi, contribuent à augmenter l'irritation et l'affolement de la populace.

Le 95 juillet, un décret a rendu toutes les sections de Paris permanentes. Elles se réunissent et chargent Pétion de demander la déchéance de Louis XVI. Le 3 août, le maire de Paris prend la parole à l’Assemblée et remplit la mission dont il a été chargé ; il base ses motifs sur la trahison évidente du Roi. La discussion est renvoyée au 9 août.

De tous côtés arrivent des pétitions pour la déchéance. Le frère de M. Géraud lui écrit de Bordeaux:

«Bordeaux, 3 août 1792.

« Je vois par ta lettre, mon cher ami, que la patrie est dans un grand danger, et que nous devons nous