Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

322 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

de tous les tambours. Les sections s'assemblent; à l'instant même tous les liens sont rompus, tous les pouvoirs publies oubliés ; la prudence populaire suspend provisoirement le maire de Paris, le procureur syndie de la commune et son substitut. La ville, les faubourss, les fédérés se portent simultanément autour du palais du Tyran et près de l'Assemblée nationale qui, dès avant-hier, avait décrèté sa permanence. Une fausse patrouille assez considérable, armée de sabres, de pistolets, de poignards, composée de prêtres, de courtisans et de valets de la Cour, est surprise, arrètée, incarcérée ; les exécutions populaires commencent avec le jour, et les coupables jugés par les sections, ensuite livrés aux mains du peuple, sont aussitôt égorgés et décollés. Sept têtes sont promenées dans les Tuileries et dans les autres lieux adjacents.

« Cet événement sinistre n'était que l'avant-coureur d'un autre événement bien plus terrible encore. Le Roi sort à 8 heures du matin, visite en personne les postes du château, et passe en revue un corps nombreux de gardes suisses que des ordres secrets avaient mandé de Courbevoie; une poignée de grenadiers de la section des Filles-Saint-Thomas s’oublie jusqu'à crier Vive le Roi! les citoyens placés sur la terrasse des Feuillants ne leur répondent que par des cris de fureur et d'indignation. Après cette scène, Louis XVI, la Reine, ses enfants et Mme Élisabeth se retirent à l’Assemblée ; en passant sur la terrasse des Feuillants, la Reine s’éva-