Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 325 nouit, déchirée sans doute de remords, d’inquiétudes et d'un funeste pressentiment. Un instant après leur retraite dans le sein du Corps législatif, une troupe de Marseillais et quelques vétérans de la garde nationale s'avancent vers les Suisses, rangés en bataille dans la cour du Carrousel, les invitent à se réunir au peuple et à étouffer tout germe de division ; ceux-ci les laissent approcher, et les reçoivent avec un air d'amitié ; mais soudain leur bataillon fait un feu roulant et renverse le corps des Marseillais qui venait apporter des propositions de paix; des canons placés dans le château aux embrasurés des croisées balayent une foule de citoyens rassemblés en armes dans la place attenante au Carrousel ; le peuple fuit à grands cris. L’artillerie des canonniers parisiens, qui se trouvait là, riposte à celle du château, et disperse le bataillon suisse, qui rentre dans les appartements et fait feu des fenêtres. Trois pièces de campagne des Marseïllais battent le château en ruine depuis la terrasse des Feuillants; le peuple se rallie de toutes parts et vient seconder les canonniers; les forts de la halle accourent tous bien armés, la gendarmerie nationale à cheval les précède; bientôt le château est investi, les gardes suisses massacrés, leurs chefs décollés, un grand nombre jeté par les croisées; le peuple incendie les écuries du Roï et les casernes des Suisses attenantes au château; des tourbillons de fumée enveloppent les vainqueurs et les vaincus ; les appartements sont inondés de sang, saccagés, tous les