Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

524 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

meubles brisés, mutilés, mis en pièces; plusieurs Suisses échappés au carnage ont été massacrés impitoyablement dans les rues et les places publiques.

« Les victimes de la fureur du peuple se montent, dit-on, à onze cents. L'on ne peut faire un pas sans rencontrer une tête, un cadavre, des membres encore palpitants; la voie publique est jonchée de ces hideux débris : l’on à trouvé dans la poche de plusieurs soldats suisses une grande quantité d'espèces sonnantes : ces misérables s'étaient vendus pour de l'or et du vin; quelques-uns d'entre eux ont voulu, maistrop tard, se réunir au peuple ; certains, n'ayant point voulu faire feu, ont été jetés par Les fenêtres par leurs camarades. Les caves du château, pleines de vin exquis, ont été dégarnies en un clin d'œil, tout y est jonché de bouteilles cassées. Le commandant de la garde nationale a été emprisonné; l'on croit qu'il a trahi ses concitoyens : le patriote Santerre a été élu à sa place. 5)

_ « Le Roi, réfugié dans l'Assemblée pendant cette terrible action qui a au moins duré deux heures, n’a montré qu'une apathie stupide et féroce; il a demandé un pain qu'il a mangé avec un air d'insouciance et de froideur. La Reine à toujours conservé un air triste, mais plein d'impudence et de hauteur; l’Assemblée s'est comportée avec calme, dignité et énergie. Au moment où le combat a commencé, à peine la discussiou a-t-elle été interrompue; Guadet, qui présidait alors, a manifesté une grande intrépidité et une présence