Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

330 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

Vendôme. Chaudruc‘ a travaillé avec des milliers de citoyens à renverser celle de la place des Victoires. Cette effigie d'un tyran abhorré a bientôt cédé aux efforts de tant de bras, et au moyen d'un câble attaché autour de son cou, nous avons entrainé yers la terre ce colosse menaçant qui semblait insulter encore à un peuple libre et souverain. Soudain l’on s’est précipité sur lui et on lui a tranché la tête à coups de hache ou avec des scies; chacun voulait s'asseoir sur cette masse énorme; l'on a chanté tout autour la chute des rois et la conquête de notre liberté : l'air Ça ira a retenti dans la place, et des cris de : Vive la Nation! mort aux tyrans! ont terminé cette joyeuse cérémonie. A la place Louis XV, même chute, mêmes chants, même joie.

« L'Assemblée a soudain consacré et sanctionné par un décret l'action des citoyens, et ces statues royales serviront enfin à créer de la monnaie nationale. Vous ne tarderez pas, j'espère, à imiter un pareil exemple et les Bordelais ne souffriront plus dans leur place cette insolente statue du plus infâme et du plus endurci de tous les despotes, de Louis XV, en un mot. Adieu. »

Que pensait la province des événements qui venaient de s'accomplir à Paris?

Chaudrue, cet ami de Géraud, que nous venons de voir travailler avec tant d'ardeur à renverser la statue

1. Bordelais, ami de Géraud, et comme lui en séjour à Paris.