Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

530 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

Cette nouvelle a été aussi le funeste signal d'un massacre horrible de tous les criminels qu'enfermaient les prisons. Les traitres, fiers de l'approche de l'ennemi, redoublaient d'audace, menaçaient déjà et tramaient sourdement les complots les plusatroces et les plus sanguinaires ; le projet était formé d'ouvrir, à l'arrivéedes Prussiens, toutes les maisons de force de la capitale, d’armer tous les brigands qu’elles contiennent, d’égorger et de piller tous les habitants demeurés dans la

ville. Des preuves manifestes de cette infernale conjuration ont été découvertes... Soudain, le peuple armé de piques, de sabres, de haches, s’est porté en foule vers les prisons. Les galériens, les voleurs, les assassions, les fabricateurs de faux assignats, les Suisses qui restaient de la journée du 10, les conspirateurs connus et arrêtés, les prêtres réfractaires, tout a été égorgé, massacré, mutilé ; les prisonniers détenus pour dettes ou pour mois de nourrice ont seuls été relächés.

« L'abbé Sicard, instituteur des sourds et muets, et connu par son incivisme, n'a échappé à la mort que par le courage et le dévouement d'un citoyen appelé Monot. Mme de Lamballe, favorite de la reine, a été enveloppée dans le nombre de ces coupables victimes. Sa tête a été portée en triomphe au bout d'une pique et son corps déchiré par la multitude. Mme Dubarry a été aussi arrêtée; quelques personnes craignaient pour son sort. La quantité de criminels victimés par la fureur populaire est immense. On rencontre à chaque