Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 565

entièrement à la joie et d'avoir encore des sujets d'inquiétude. Certainement, lorsque les bons citoyens jeltent leurs regards sur les départements, qu'ils y voient le plus pur patriotisme animer tous les cœurs, qu'ils y voient le règne des lois, de la concorde, dela fraternité et de la douce égalité, établie dans toute sa rigueur, qu'ils voient les tyrans et leurs satellites pourchassés et purgeant notre terre de leur odieuse présence, certainement alors ils ont bien des sujets d'ouvrir leur âme à l'espérance et de se livrer à la joie. Mais en promenant leurs regards sur la vaste étendue de la France, sur cette grande famille de frères, en laissent-ils tomber par hasard un seul sur Paris! Soudain de noirs nuages de tristesse viennent troubler cette joie, et elle fait place aux soucis, aux tristes inquiétudes, au désespoir presque. Car qu'y voient-ils dans ce Paris, dans cette ville qui devrait donner aux départements l'exemple du patriotisme et de la soumission la plus aveugle aux lois? Ils y voient un amas impur d'hommes dont tous les projets tendent à perpétuer l'anarchie sans laquelle ils ne sont rien, des hommes tout dégoûtants encore du sang qu'ils ont versé dans les journées de Septembre. Prétes à excuser leurs sanguinaires desseins, des sections qui désobéissent formellement aux lois et protestent contre elles, une commune qui non seulement favorise de tout son pouyoir les projets désorganisateurs des méchants, mais qui dilapide les fonds que la confiance publique a mis