L'oeuvre sociale de la Révolution française

LE SOCIALISME ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 97 quées. Les vivres atteignaient des prix exorbitants ; les assignats tombaient dans un discrédit inouï. Le bulletin de police qui décrit l'esprit public, à la date du 5 frimaire an IV, se résume ainsi : « Misère extrême, désolation, plaintes, murmures, jurements et désespoir.» Tout régime qui donnerait du pain semblait préférable à celui qui n’en donnait pas. Aussi, tandis qu'une partie du peuple inclinait vers le royalisme, le jacobinisme le plus exalté retrouvait des partisans : de Ià la conspiration de Babeuf.

La conspiration de Babeuf fut, sans contredit, animée d’un esprit tout à fait socialiste. Dès 1789, des pamphlétaires obscurs et peu lus avaient parfois pré-: conisé un égalitarisme presque absolu. Sans jamais devenir fréquentes, ces brochures se firent plus caractéristiques à mesure que progressa la Révolution. En cherchant bien, on en trouve même quelquesunes, encore plus rares et jusqu'ici à peu près inconnues, où un sentiment communiste se fait Jour. Les cartons des comités aux Archives nationales renferment plusieurs projets, confus et mal digérés d’ailleurs, où sont prônés la mise en commun des biens, une organisation communiste du commerce et de l’industrie, des modèles variés de phalanstères. Peu de semaines avant qu'éclatât la conspiration de Babeuf, un paisible utopiste adressait au Comité d'agriculture un Plan de conciliation, où il esquissait une législalion socialiste qui devait charmer

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