L'oeuvre sociale de la Révolution française

SUR LES IDÉES MAITRESSES DE LA RÉVOLUTION 61

contre la nature des choses. Le désir de réformer Ja nature humaine est un sentiment vénérable, el la révolte contre la nature des choses est une passion noble. Trouver le monde mal fait peut être le travers d'un imbécile; il peut être l'aspiration d'un cœur très pur et d’une très grande âme. Garo n'est un sot que parce qu'il choisit mal ses exemples. Après tout, l'homme suit sa loi aussi en se détachant de la nature, en cherchant à s'en affranchir, et la première condition pour qu'il s'en affranchisse est bien un peu qu'il la méprise. Il est moral que l'homme méprise la loi naturelle, et c’est peut-être toute la morale. Il est beaucoup plus moral que l'homme veuille être surnaturel que non pas qu'il veuille être surhomme. Constater que la nature ne connaît que la force et en conclure précisément que l'homme doit ne point s'y soumettre, c'est aussi généreux que paradoxal, et c'est très humain, l'homme étant un animal idéaliste, dont la fonction est peut-être précisément de créer de l'idéal dans un monde qui ne le connait pas.

De ce point de vue la Révolution paraît une époque extraordinaire, supérieure, sublime, et très amusante, de l'humanité. Si une nation avait pris très précisément les choses ainsi, si elle avait poursuivi son œuvre très précisément dans cet esprit, elle en pourrait mourir, ilest vrai, mais elle aurait vécu et serait

morte pour une idée au moins peu vulgaire. Non scu-