L'oeuvre sociale de la Révolution française

60 INTRODUCTION

Prenez exactement le contraire, vous avez l'esprit même de la Révolution. Devant un monde où la force règne en souveraine et en tyran, devant une histoire de l'humanité où la force seule a écrit ses annales, devant une société qui n'est qu'un système de forces plus ou moins en équilibre, la Révolution a prétendu inaugurer le règne du droit, et elle ne savail pas trop ce que c'était, ni moi non plus, ni vous non plus; mais elle n’a pas cru se tromper beaucoup en supposant que c'était le contraire de la force; et, en conséquence, en poursuivant la force sous toutes ses formes, partout où elle la voyait, et en tàächant à la détruire; parce qu’on ne sait jamais bien ce qu'on veut, mais on sait très bien ce dont on ne veut pas.

Et je ne sais pas si cela est très raisonnable; mais en tous cas c'est une belle cause. A la soutenir, on se heurte très vite à la nature des choses. Eh! sans

doute; mais il y a deux efforts qui ont toujours

fait l’honneur et le ridicule de tous les grands.

réformateurs. L'un est de vouloir réformer la nature humaine et l’autre est de s'indigner et de se révolter

lui témoigner même beaucoup de compassion de son mal; car les misérables sont si sots que cela leur fait le plus grand bien du monde; mais je tiens aussi qu'il faut se contenter d'en témoigner et se garder soigneusement d'en avoir. C'est une passion qui n'est bonne à rien au-dedans d'une âme bien faite, qui ne sert qu'à affaiblir le cœur, et qu'on doit laisser au peuple, qui, n'exécutant jamais rien par raison, a besoin de passion pour le porter à faire les choses. » (La Rochefoucauld, Portrail de lui fait par lui-même.)