L'oeuvre sociale de la Révolution française

LE SOCIALISME ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 67

etles vœux qui y sont exprimés sont donc réellement les griefs et les vœux de cinq à six millions de Français ». Ils constituent, comme le disait Malouet, « le dépôt publie et irrécusable de toutes les opinions et des vœux de la France entière ». Jamais nation ne s'est peut-être plus complètement exprimée en toute matière que ne fit la France dans les cahiers primaires et secondaires de 1789.

Existe-t-il dans ce vaste dépôt quelque trace de velléités socialistes? IL est permis de répondre catégoriquement. La philosophie du xvin° siècle, dans l'assaut général qu'elle avait donné à l’ordre traditionnel de la société, avait fini par tout critiquer indistinctement. Au moment où, sortant de la critique spéculative et de l’utopie métaphysique, la France fut appelée à rédiger des doléances et des vœux précis, elle n’y exprima aucune volonté de bouleversement social : « L'objet des lois, disent presque tous les cahiers à l'instar de celui du Tiers état de Paris, est d'assurer la liberté et la propriété. » Il n'y a pas un cahier où soit mise en doute la légitimité de la propriété individuelle la plus absolue; la plupart insistent sur son caractère sacré et imprescriptible. Sans doute les « droits féodaux », dont la suppression est fréquemment réclamée, et les biens du clergé, dont on sollicite souvent l'attribution à l’État, apparaissent aux pri-

vilégiés comme des propriélés légitimes. Mais on