L'Unité yougoslave : manifeste de la jeunesse serbe, croate et slovène réunie
= 39 plupart des œuvres d'art furent conçues aux siècles d'esclavage, et c'est de guerre et de sang qu'on y parle, le plus souvent. Et cependant, toujours y reparaît quelque douce rêverie généreuse, et le songe y oscille entre l'image de la patrie perdue, et l'attente des jours meilleurs.
On y rencontre d’ailleurs, plus qu'en toute autre littérature slave, les gestes violents, les brusques sursauts, les passions fatales. Ceci évoque les vestiges des races autochtones, races énergiques, assimilées par les Yougoslaves ; et aussi les brusques différences géologiques et climatériques rencontrées en terre yougoslave ; et aussi l’état d’insécurité politique sans exemple, de menace incessante,
fÀ grâce auquel les Vougoslaves, agriculteurs d'ins-
\ tinct, ont pu devenir une race guerrière par excel-
lence. Conformément à l'allure générale de leur
histoire, c'est la poésie épique, chez eux, qui vient
au premier rang. Cest un trait propre des Vou-
soslaves que cette faculté de s'être formé, de leur
histoire, l'idée la plus élevée, sachant retenir de
leurs actes quotidiens tout élément de beauté, d'éter-
nité, d'humanité profonde, pour en faire aussitôt
la substance de leur poésie. Leurs héros chantés
ne sont point de simples colosses cuirassés de fer,
1 forces massives ne cherchant qu'à vaincre. Ce sont
toujours des champions de la justice, ou des mar-
\tyrs de la liberté. La plupart de leurs anciens rois
sont devenus des saints.
#9 Tel est le caractère général de l'esprit yougoslave
“e7 et de son expression artistique.
On distingue plusieurs cycles successifs dans la poésie nationale. Mais les deux principaux se rapportent, l’un à Marko Kralievitch, l’autre à la bataille de Kossovo. Non seulement ils sont deve-
. nus le trésor commun des Yougoslaves, mais aussi les foyers de toute tradition. C'est dans la conception monumentale de ces deux épopées qu’on peut
mesurer, mieux que nulle part ailleurs, l'idée large