L'Unité yougoslave : manifeste de la jeunesse serbe, croate et slovène réunie

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et sûre de l'unité, et l'étendue de la mission nationale. Marko Kralievitch, selon l'Histoire, fut un des princes serbes de Macédoine, pays qui tomba le premier sous le joug turc, et jusqu'à nos jours le plus éprouvé de tous. Marko, dans la tradition, fut chanté comme le symbole de la race yougoslave, dont il personnifie les cualités et défauts essentiels. Sa vie est le reflet de la destinée même des Yougoslaves. Plus fort et meilleur que ses ennemis, mais isolé, il se voit contraint de prêter à l'étranger ses services. Sur son gigantesque cheval pommelé, le voyageur aux larges épaules parcourt les pays asservis. Tous les attributs de cette figure, conçue dans les ténèbres de l'esclavage, concourent à la rendre plus sombre et plus monumentale. Conscient de sa valeur morale, le Yougoslave ne peut s'expliquer la fatalité qui le contraint à vivre en servitude. Mais Marko Kralievitch, le bon géant, image de la force nationale, n'a pu mourir : sûrement il dort quelque part dans les montagnes, et doit ressusciter pour conduire le peuple au jour de la délivrance. Cette admirable et naïve croyance s'est conservée jusqu'à nos jours. En 1912, comme retentissaient les premiers grondements du canon, tandis que du fond du Montenegro les bergers descendaient du Dourmitor pour venir endosser leur uniforme, le bruit courut parmi eux qu'on avait vu Marko passer à cheval. Plus tard, à la bataille de Prilep, devant les ruines du château de Marko, les soldafs serbes affirmèrent avoir vu son spectre se lever devant l’armée. Ces guerriers rêveurs sontils bien les rudes vainqueurs, que trois guerres successives, en trois ans, n'ont point lassés ?

Si ce héros national put être transmis, des Serbes, à tous les Vougoslaves, c'est qu'il personnifiait d'abord la race elle-même. Aussi rencontre-t-on, jusque dans les coins les plus reculés du pays youg0slave, des empreintes du pas de son cheval, impri-