La correspondance de Marat

252 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

ses complices; cette horde conspiratrice que j'ai forcée à se déclarer du parti des Capet émigrés rebelles, en la pressant tant de fois de mettre leurs têtes à prix, ce qu'elle a constamment refusé; cette horde déhontée qui me punit lâchement aujourd'hui de ce que je l'ai démasquée et couverte d’opprobre aux yeux de la France entière; cette horde, dis-je, vient de me frapper d'un décret d'accusation.

Quoiqu’elle se soit engagée, sur votre demande, à présenter dans les 24 heures l’acte énonciatif des chefs d'accusation qu'elle m’oppose, déjà six jours se sont écoulés sans que cet acte ait été produit : se flatterait-elle donc de tirer l’affaire en longueur, pour m'écarter de la sorte de la tribune, d’où je la foudroyais chaque jour ? Espère-t-elle par ses retards m’excéder d’ennui et de dégoût, épuiser ma patience, exaspérer mon indignation, et me pousser à des démarches indiserètes ? Attendrait-elle les événements pour supprimer le Tribunal révolutionnaire, me laisser sous l’accusation, et faire croire à la nation que je suis coupable? Ou bien se berce-t-elle du fol espoir que je balancerai un instant à me présenter à mes juges? Qu’elle se détrompe : je paraîtrai devant eux, non comme un criminel, mais comme un homme de bien, indignement calomnié, et toujours prêt à rendre compte de ses actions, toujours prêt à mettre sa conduite en évidence pour confondre ses lâches délateurs. Je somme donc ici mes atroces ennemis qui composent le comité de législation de présenter cet acte dans le jour. Je sens trop combien ils sont embarrassés de le rédiger, de manière à ne pas paraître d'imbéciles calomniateurs ou de perfides faussaires. Qu'ils s’en tirent comme ils le pourront, mais qu’ils le présentent sans délai, sous peine d’encourir la vengeance du peuple souverain, car je suis déterminé à m'adresser à lui, pour obtenir enfin justice de tant de scélérats qui cherchent à me tenir en cantivité, afin de pouvoir sans obstacle livrer la France aux armées ennemies qui marchent contre nous pour rétablir la royauté.