"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (oštećen primerak)

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CHAPITRE 11.

fond le peuple serbe., sa langue, ses traditions, son caractère. On l’instruisit et on l’aida : il publia, outre les Chants populaires, une Grammaire serbe (18 14) et un Dictionnaire (1818). Alors, sous l’influence de la science allemande qui combattait les langues artificielles, il se fit le champion de la langue nationale, le parler populaire de la « grand’mère Smiliana et des gardiens de pourceaux », langage proscrit par les lettres; il simplifia l’orthographe qui copiait servilement l’orthographe russe, et même réforma l’alphabet sur une base strictement phonétique. En Serbie, ce fut une longue lutte philologique qui ne tarda pas à prendre un caractère politique, lutte malheureuse, car elle absorba pendant cinquante ans toutes les forces intellectuelles de la nation. La traduction de la Bible par Karadjitch fut interdite, et l’on confisqua les livres imprimés avec son orthographe. Ainsi la victoire ne fut définitivement acquise qu’après la mort du grand agitateur : il mourut en 1864, tandis que les mesures prises contre son orthographe ne furent définitivement rapportées qu’en 1868. A l’étranger, où se passa toute l’activité de sa vie, il ne trouva qu’estime et sympathie. Vater, Bopp, Guillaume de Humbolt s’intéressaient à lui ; Goethe, sur ses vieux jours, le recevait à Weimar, admirait de nouveau la poésie serbe, cinquante ans après sa propre traduction de la Triste ballade, écrivait, dans sa revue Art et Antiquité, des articles sur cette poésie, discutait longuement, avec son « fidèle Eckermann », sur les beautés des chants serbes. Le grand historien Léopold Ranke consultait Karadjitch dont il utilisa les documents quand il écrivit son Histoire de la Révolution serbe (1828). L’Université d’léna lui conférait le titre