"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (oštećen primerak)

« LA GUZLA » DANS LES PAYS SLAVES.

501

manqua jamais de sympathie, d’enthousiasme même, pour la tradition populaire; l’information seule lui lit défaut, du moins dans ses premiers poèmes. Tandis que son ami Joukovsky, au lieu de recueillir de la bouche des paysans les chansons populaires russes, les retraduisait d’après la traduction française de la princesse Zénaïda Wolkonska 1 , Pouchkine, tout simplement, inventait lui-même ses contes, quand, toutefois, il ne s’adressait pas au chevalier Parny. En effet, on conteste aujourd’hui l’origine populaire de Rouslan et Lioudmila ; on a même trouvé des morceaux des Chansons madégasses intercalés dans la Fontaine de BakhtchiSaraï et qui devaient y mettre de la couleur... tartare ! S’inspirant de Byron, Pouchkine chante les vampires dans ce dernier poème, tandis que la poésie populaire les ignore totalement 2 . Ces remarques faites, nous pouvons aisément comprendre que le poète russe se soit laissé mystifier par le littérateur parisien 3 . Pouchkine s’intéressait très vivement aux Serbes; ce fut une des principales raisons qui lui firent traduire la Guzla. Là lutte héroïque contre la domination turque (1804-1813) avait fait sur lui presque autant d’impres-

1 Tableau slave du cinquième siècle, Paris, 1824. 2 V. Sipovsky, op. cit., loc. cil. 3 Quelques critiques russes, afin de justifier la méprise de Pouchkine, sans soupçonner combien la Guzla diffère de la véritable poésie serbe, nous assurent gravement que si Mérimée avait réussi à composer un si bon pastiche de cette poésie, c’est parce qu’il avait passé sa jeunesse en Dalmatie, à Raguse, où son père, « lé célèbre peintre et architecte Louis-Léonor Mérimée », accompagnait le maréchal Marinent! « Attentif et intelligent, l’enfant y avait entendu des chants, remarqué des croyances serbes dont il garda le souvenir. » (Voir la Grande encyclopédie russe, articles : Mérimée, Pouchkine ; et la Novoé Vrémia du 25 oct. 1894 : Prosper Mérimée et ses rapports avec la littérature russe, par M. P. Matvéeff.)