"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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Ce blâme n’empêcha pas Nodier de déclarer dans sa préface de l’édition de 1832 : L'anonyme me porta bonheur... Des journalistes qui se crurent bien avisés, et qu’avait trompés je ne sais quel mélange d’ascétisme, d’amour et de philanthropie désespérée qui se confondent dans celte bluette (Jean Sbogar), en accusèrent M— de Krudener... Je n’intervins pas dans ce combat qui ne pouvait durer longtemps. Jean Sbogar aurait été complètement oublié si un nouvel artifice n’était intervenu quatorze mois plus tard. Le 17 octobre 1819, la Renommée annonça, « d’après les journaux anglais », que le prisonnier de SainteHélène s’était occupé de ce roman deux jours : une nuit àle lire et quelques heures à l’annoter. « Cette apostille, venue de haut lieu, excita un instant de rumeur dans les bureaux de rédaction des feuilletons bonapartistes », et le roman devint célèbre en quelques jours. Le libraire, Gide fils, qui semble avoir beaucoup contribué la fougue de son imagination ! et puisse-t-il, si son amour pour l’état sauvage lui fait chercher les peuples dans l’état le plus près de la nature, ne pas trouver chez les Cosaques une réfutation ad hominem de ses systèmes exagérés! » Nodier répondit au rédacteur, le 10 juillet, par la lettre suivante qui ne fut insérée par celui-ci que sep t jours plus tard : « Monsieur, « J’apprends par un numéro de votre journal qui vient de tomber dans mes mains, qu’on m’a attribué un roman intitulé Jean Sbogar. Les personnes qui me connaissent savent que je ne fais pas de romans ; et comme je n’en lis pas plus que je n’en fais, je n’ai pas lu Jean Sbogar. Le jugement que vous exprimez sur ce livre pouvant donner cependant une idée fort étrange de mon caractère, qui, grâces au ciel, n’avait pas encore été compromis, et qui est à peu près tout ce qui me reste, j’espère que vous voudrez bien accorder à mon désaveu une mention de deux lignes. « Quant au vœu que vous avez la complaisance de former pour que les Cosaques ne répondent pas par un argument ad hqminem à mes systèmes sur les peuples nouvellement civilisés, j’en sais apprécier la délicatesse, et je vous en remercie au nom de ma famille. ï Charles Nodier. »