"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE PREMIER.

C’est pendant une nuit semblable que le jeune Lorenzo, endormi auprès de la belle Lisidis, dans une antique villa au bord du lac Majeur, a l’imagination hantée des rêves les plus bizarres : il se croit transporté en Thessalie ; là, il écoute les discours d’un prétendu ami, Polémon, qui lui raconte qu’il est sans cesse poursuivi par les démons dé la nuit et surtout par Smarra, roi des terreurs nocturnes. Le narrateur Lorenzo, qui se croit Lucius Lucius de l’Ane cl’Or se rend ensuite à un repas voluptueux auquel assistent également Polémon et son esclave favorite, Myrrthé et les belles sorcières, Théis et Thélaïre. Les sépulcres s’ouvrent; des morts affamés sortent de leurs cercueils; ils déchirent les vêtements des cadavres, dévorent les cœurs et s’abreuvent de sang. L’affreux festin commence dans les vapeurs du vin et les caresses des enchanteresses ; des fantômes s’y mêlent, froids reptiles, salamandres « aux longs bras, à la queue aplatie en rame », monstres sans couleur et sans forme, insectes invisibles comme la pluie. Tous s’endorment et, pendant leur sommeil, Smarra met à mort Polémon et Myrrthé ; les Thessaliens accusent Lucius de les avoir tués. Sa tête tombe sous la main du bourreau et « mord le bois humecté de son sang fraîchement répandu » ; les chauves-souris la caressent en lui chuchotant : « Prends des ailes ! » Et voici que s’envole la tète de Lorenzo par je ne sais quels lambeaux de chair qui la soutiennent à peine... jusqu’au moment où la voix de la belle Lisidis réveille cette « victime d’une imagination exaltée, qui a transporté l'exercice de toutes ses facultés sur un ordre purement intellectuel d’idées », comme nous l’explique quelque part l’auteur. En 1832, Nodier déclara que ce récit fantastique n’était qu’un pastiche du premier livre de l’Ane d’Or,