"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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dans lequel, sauf quelques phrases de transition, tout appartient à Homère, à Théocrite, à Virgile, à Catulle, à Stace, à Lucien, à Dante, à Shakespeare, à Milton. « Mais, ajouta-t-il amèrement, le nom sauvage de l'Esclavonie prévint les littérateurs de ce temps (-1821) contre tout ce qui pouvait arriver d'une contrée de barbares 1 . » Il avait raison dans une certaine mesure. En réalité, rien n’est moins « esclavon » que cés hallucinations littéraires que Mérimée, son successeur à l’Académie française, appellera un jour « le rêve d’un Scythe raconté par un poète de la Grèce ». Quoi qu’en dise É. Montégut 2 , Nodier, à coup sûr, n’a pu trouver une inspiration suffisante pour un conte de cette nature, ni dans le caractère national des « Esclavons », ni dans leur littérature, ni dans leurs traditions qu’il ne connaissait pas, du reste ni dans le caractère sauvage des paysages dalmates qu’il avait vus et qu’il avait décrits dans Jecm Sbogar. Quant à l’assertion émise par lui : d’avoir fait dans Smarra un travail de compilateur, plaquant des passages de Théocrite, Virgile, Shakespeare, etc., sur un fond emprunté à Apulée, cette assertion, à notre avis, ne doit-être acceptée que sous les plus expresses réserves. Nodier n’était-il pas l’auteur d’une brochure intitulée les Pensées de Shakespeare, dont un tiers appartient en effet au poète anglais, mais dont les deux autres ne sont dus qu’à la plume de leur prétendu traducteur français ?

1 Préface à l’édition Rendue!. 2 « En Illyrie, Nodier avait trouvé une population dont les sommeils étaient troublés habituellement par le cauchemar et dont les veilles étaient assombries par la plus monstrueuse et la plus noire superstition qui existe : la croyance au vampirisme. » Émile Montégut, Nos Morts contemporains, Paris, 1883, 1.1, p. 150. 7