"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

104

CHAPITRE PREMIER.

Nodier. Tel est ce vieux chef aux cheveux blancs, avec sa « ceinture de laine bigarrée », tel encore ce « cruel Pervan, chef de mille heyduques farouches ». Comme l’avait fait auparavant la comtesse de Rosenberg, comme le fera plus tard Mérimée, Nodier se documente : il emprunte au Voyage de Fortis des noms géographiques, comme Pago, Zuonigrad, Zemonico, Novigradi, Lissa, Castelli, Zeni, Zermagna, Kotar, des mots serbo-croates, comme guzla, hanzar, vukodlack, osveta, pismé, drugh, drushiza, zapis, opancke, kalpack 1 ; il copie ces mots soigneusement et les incruste çà et là dans son texte. Le nom du « chef » Pervan est également dû à Fortis, tandis que le vieux bey est baptisé d’une façon plus originale : il reçoit le nom du comte Spalatin, président du tribunal de Laybach à l’époque où Nodier résidait dans cette ville 2 ! Chose des plus piquantes, Mérimée, qui s’inspira du Bey Spalatin pour une de ses ballades, et qui crut peut-être à son authenticité, jugea le nom de Spalatin si bien « illyrique » qu’il l’introduisit dans la GuzlaS. Le Bey Spalatin est accompagné de notes explicatives : sèches, brèves, sans prétentions littéraires. Traitant des questions d’étymologie slave, Nodier y étale avec impertinence sa prétendue érudition, et se moque agréablement de l’ignorance du lecteur. Tout cela rappelle singulièrement les notes de la Guzla ; du reste, nous aurons l’occasion d’en parler plus longuement ailleurs. Le second poème « esclavon » qui se trouve dans Smarra, nous le connaissons déjà : c’est la Femme

1 Jean Skerlitch, Srpski kgnijevni Glcisnik du 1” juin 1904, pp. 847-48. 2 Cf. Louis Madelin, Fouché, Paris, 1901, t. 11, p. 248. 3 L’Aubépine de Veliko.