"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS. AVANT « LA GUZLA ».

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cl’Asan, la Xalostna Piesanza plemenite Asan-Aghinize. En 1813, Nodier avait fait une analyse de cette pièce dans le Télégraphe illyrien et avait traduit quelques passages en « pentamètres blancs » ; cette fois, la version est en prose, très libre, très poétisée, faite non pas sur l’original « esclavon », comme le prétend Nodier et comme le croient le baron d’Avril et M. Pétrovitch 1 , mais sur les traductions italienne de Fortis et française de l’anonyme bernois. C’’était donc un poème authentique serbo-croate, et on peut dire qu’il conserve l’empreinte de l’original malgré tous les.changements que Nodier lui a fait subir. La Femme d’Asan a d’autant plus d’importance pour nous que ce fut elle qui, dans la version de Nodier, signala à Mérimée le Voyage en Dalmatie. L’auteur de la Guzla le reconnut du reste, quelques années plus tard, dans sa lettre au Russe Sobolevsky (« Nodier qui avait déterré Fortis... »), mais il se garda bien de Je dire au public français, dans sa préface à l’édition Charpentier in-18 2 . Le troisième morceau « esclavon » qui se trouve dans S marra, est la Luciole, « idylle de Giorgi », courte poésie, non des meilleures, du poète ragusain Ignace Gjorgjic (1675-1737), que Nodier une fois déjà avait traduite, en 1813, dans le Télégraphe Cette production purement littéraire du lyrique dalmate n’a aucun rapport avec la poésie nationale du peuple serbocroate, mais Nodier l’inséra dans son livre, pour la simple raison qu’elle était une des rares poésies « escla-

1 Pétrovitch, Bibliographie française sur les Serbes et les Croates, Belgrade, 1900, p. 32. 2 Cf. ci-dessous, ch. iv, § 2 et ch. xi, g 1. 3 Cf. ci-dessus, p. 73 et p. 76.