"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

117

son livre il expliqua très nettement son intention : <r J’ai remarqué, dit-il, que les plus judicieux des lecteurs se plaignent de notre littérature actuelle, disant qu’elle est pleine de délicatesses affectées et de raffinements étudiés, choses qu’ils échangeraient volontiers contre la vigueur de pensée naturelle et la simplicité de style, qui étaient dans l’habitude de nos aïeux. Je crois que cette collection ne recevra pas un mauvais accueil auprès des lecteurs dont je parle. » En 1725, le même poète publia The Tea-Table Miscellany or a Collection of Scots Songs (Edimbourg, 3 vol.). Au milieu du xviu e siècle, un mouvement se dessinait en Angleterre, emportant beaucoup d’esprits distingués vers le passé et vers la nature. Les uns, comme Walpole, comme Warton, comme Hurd, cherchaient à remettre à la mode l’architecture et la poésie médiévales, à publier des manuscrits poudreux, à célébrer les châteaux « gothiques », les ruines druidiques; les autres, à glorifier la campagne, la mer, les rochers, les cimetières. Naturellement, les naïfs et vieux chants populaires furent alors mis en grand honneur. On s’appliqua à recueillir des ballades anglaises, irlandaises, galloises. Une antiquité nouvelle semblait renaître, antiquité très différente de la Grèce et de Rome, vierge d’imitations, « pâture offerte aux imaginations avides 1 ». On voulait ressusciter toute une civilisation morte, celle des peuples du Nord : des Celtes et des Germains que l’on confondait même au temps de M me de Staël et qu’on opposait triomphalement aux civilisations vieillies de l’Europe latine 2 .

1 Joseph Texte, Jean-Jacques Rousseau et les origines du cosmopolitisme littéraire, Paris, 1895, p. 386. 2 Idem, p. 384.