"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE 11.

Deux grands événements littéraires dominent ce mouvement : la publication des poèmes ossianiques par James Macpherson (1760), et celle des anciennes ballades anglaises par Thomas Percy (1765). On connaît les polémiques ardentes sur l’authenticité des chants d’Ossian, polémiques qui cessèrent cinquante ans seulement après l’apparition de la première édition de Fingal. On sait depuis longtemps que cette fameuse épopée n’est qu’une imitation emphatique et paraphrasée, qui est loin d’avoir l’âpre énergie et la couleur des chants originaux dont elle prétendait être une traduction fidèle. Mais on n’ignore pas non plus qu’à travers toutes les interpolations de Macpherson. se reflètent d’admirable façon la rudesse des mœurs et l’enthousiasme guerrier des « primitifs » ; de même, malgré toutes les réminiscences littéraires dont les Fragments de la poésie gaélique 1 sont remplis (en particulier de Virgile et d’Homère), on entrevoit dans cette inégale mosaïque tant d’éléments authentiques 2 qu’il serait injuste de contester à l’ingénieux imposteur l'honneur d’avoir eu une part importante dans le réveil du goût pour la poésie populaire, dans son pays aussi bien qu’ailleurs.

1 Fragments of Ancient Poetry, collecled in the Highlands, and translated from the Gaelic or Erse Languages, Édimbourg, 1760. Une souscription publique engagea Macpherson à faire un voyage dans les montagnes écossaises, afin d’y recueillir d'autres poèmes si remarquables dont s’enorgueillissait le patriotisme régional des avocats édimbourgeois et des grands seigneurs calédoniens. Fingal, Ancient Epie Poem in six B'ooks parut en 1762, Temoraen 1763. En 1765, tout fut. réuni sous le titre général de poésies d’Ossian. Avant les Fragments, Macpherson avait donné un poème épique très médiocre : The Highlcmder (1758). 2 « Nevertheless, there can be no doubt that large parts of bolh Fingal and Temora were what tliey claimed to be : translations (frequently very free) from Gaelic originals. » W. 11. Hulme, dans Modem Language Notes, 1899, col. 436-437.