"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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Sans nous étendre davantage 1 , répétons cependant ce que nous avons dit à propos du Viaggio in Dalmazia et des Maniaques : ce fut en s'inspirant d’Ossian que l’abbé Fortis inséra dans ses livres les deux ou trois ballades serbo-croates qui ont établi la renommée européenne de cette poésie; de même, ce fut sous l’influence du barde écossais que la comtesse de Rosenberg composa ces chants prétendus populaires qu’elle a placés dans son roman dalmate. C’est à Ossian que la Triste ballade doit d’être célèbre ; la Guzla lui est redevable en partie de son origine. Passons maintenant à un autre archaïsant britannique, plus fidèle à ses textes celui-là, et qui contribua également au relèvement de la ballade. En 1765 parurent à Londres les trois volumes in-8° des Reliques of Ancient English Poetry, consisting of Old Heroic Ballads. Songs and other Pièces of Our Earlier Poets . L’ouvrage était publié sous le couvert de l’anonyme, mais on n’ignorait pas que son éditeur était un jeune clergyman, Thomas Percy, qui deviendra un jour évêque de Dromore. Percy avait tiré ces ballades d’un vieux manuscrit in-folio, trouvé chez un de ses amis, à Shiffnal, et dont plusieurs feuillets avaient servi pour allumer le feu. Dans sa préface, l’auteur réclamait une grande indulgence de la part de ses contemporains lettrés pour cès « rudes chants des vieux bardes qui chantaient, pour le peuple ». Les Reliques furent d’abord froidement accueillies par les coryphées de la littérature. Le docteur Johnson,

1 Cf. B. Schnabel, Ossian in der schônen Litteratur England’s bis 1832, dans Englische Studien, t. XXIII, pp. 31-73 et 366-401.