"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE 11.

dont on connaît la célèbre polémique avec Macpherson au sujet des chants ossianiques, ne répondit que par des dédains aux avances flatteuses que lui avait faites l’éditeur des Reliques dans la préface. Du reste, l’éminent critique avait eu déjà l’occasion d’exprimer son opinion sur les imitateurs de vieilles ballades, quatorze ans auparavant, dans son Club des antiquaires : Oantilenus, dit-il, concentrait toutes ses pensées sur les vieilles ballades, car il les considérait comme des souvenirs fidèles du goût naturel. Il m’offrit de me montrer un exemplaire des Enfants dans la forêt qu’il croyait original et dont il pensait qu’il était utile d’épurer le texte; comme si cette époque barbare avait le moindre titre à de telles faveurs 1 ! Warburton, le commentateur de Shakespeare, ne se montra pas plus clément. « La manie de l’antiquaille est aux vraies lettres, disait-il, ce que de brillants champignons sont au chêne : ils ne poussent et fleurissent que lorsque la vigueur et la sève du bois sont allanguis et presque épuisés 2 ! »Un troisième critique fit une charge à fond contre Percy. Le jeune clergyman était traité de contrefacteur qui se serait « servi de son caractère ecclésiastique pour sanctifier la fraude ». 11 lui reprochait, et d’avoir mal représenté, dans ses commentaires, l’office et la dignité des anciens ménestrels, et d’avoir altéré et interpolé la plupart des vieux poèmes qu'il avait publiés 3 . Ce critique n’avait pas tort en ce qui concerne le manque de scrupules de Percy. En effet, son travail peut être contrôlé aujourd’hui, car le manuscrit original, gardé jalousement par la famille, fut enfin publié

' N” 177 in Rambler (1751). - Lettre à Hurd, mars 1765. 3 G. Bonet-Maury, op. oit., pp. 32-34.