"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

133

10ng... Si ta as la fibre, ossianique, envoie-moi des couleurs, chère petite, bonne, aimable, gentille sœur que j’aime tant 1 ! » Mérimée, lui aussi, n’échappa pas à cette fièvre bardite, car au mois de janvier 1820, J.-J. Ampère put écrire à son ami Jules Bastide : « Je continue avec Mérimée à apprendre la langue d’Ossian, nous avons une grammaire. Quel bonheur d’en donner une traduction exacte avec les inversions et les images naïvement rendues 2 ! » Sainte-Beuve range Ossian parmi les « grands-oncles étrangers » d’Alfred de Vigny 3 et signale l’influence de Macphersôn dans les vers d’Alfred de Musset : Pâle Étoile du soir, messagère lointaine, qui sont de 1840, mais qui ne sont pas le dernier écho de « l’Homère celtique». Les poèmes ossianiques cependant n’ont pas joué en France le même rôle qu’ailleurs. Tandis qu’en Allemagne ou en Bohême, par exemple, ils avaient stimulé le goût de l’étude du passé national, éveillé la curiosité en faveur des traditions populaires, en France, au contraire, ils n’eurent d’influence que par ce qu’ils avaient de plus littéraire et de plus général : cette sensiblerie commune au xvni e siècle, cette mélancolie, cette vague tristesse si chère aux solitaires, sentiments que Rousseau et Goethe n’avaient pas peu contribué à faire partager à leurs contemporains. I

1 Correspondance de H. de Balzac (■!819-1850), 1.1, p. 6. 2 André-Marie Ampère et Jean-Jacques Ampère, Correspondance et souvenirs (de 1805 à 1864), recueillis par M mc 11. G[h.euvreux], Paris, 1875, t. 1, p. 160. ® Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. 11, p. 62.