"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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D’autre part, le recueil des Chants grecs inaugura en France l’étude de la poésie populaire, étude qui prit une double direction : scientifique et littéraire. Le Globe, qui mobilisait alors les forces romantiques, consacra au nouvel ouvrage quatre articles, du doux philosophe Théodore Jouffroy L M. Fauriel, y disait-on, familiarisé depuis longtemps avec cette sorte de recherches où la littérature et l’histoire se commentent l’une par l'autre, a conçu l’heureuse idée de recueillir, au profit des lettres, ces chants populaires des Grecs modernes et d’en tirer, pour l’instruction de l'histoire, des renseignements irrécusables sur leur condition politique et civile, leurs habitudes domestiques et religieuses, et les principaux événements qui avaient, avant l’insurrection, signalé leur existence nationale. Il en est résulté un livre où tout est neuf, et que les littérateurs et les historiens se disputeront, parce qu’il offre à ceux-là un monument poétique de la plus grande originalité, et à ceux-ci des documents authentiques sur un peuple inconnu que l’Europe vient, de découvrir au milieu de la' Méditerranée. Tel est l’ouvrage deM. Fauriel 2 . A l’étranger, le succès fut également vif ; le 10 juillet 1824, Goethe écrivait à M lle Thérèse von Jakob : « L’ouvrage annoncé : Chants populaires de la Grèce moderne, par Fauriel, est paru; ainsi nos voisins nous ont dépassés sur un terrain où nous autres Allemands tâtonnions depuis des années déjà 3 . » Une traduction anglaise, deux traductions allemandes (dont l’une par le poète bien connu Wilhelm Müller), enfin, une traduction italienne, attestent mieux que toute autre chose le succès universel de Fauriel. Avant de parler de l’influence littéraire des Chants grecs, disons que leur éditeur exerça une influence directe et personnelle sur plus d’un de ses contempo-

I Le Globe des 30 octobre, 20 novembre, 18 décembre 1824 et 19 février 1825. » Cité par Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. IV, pp. 237-8. 3 Goethes Brief-e, Weimar, 1906, t. XXXVIII, p. 191.