"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE POPULAIRE AVANT « LA GUZLA ».

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Veimars (Paris, 1825, in-B°, pp. 413). Cette traduction, faite en prose, obtint un très grand succès. Le Globe, après avoir fait certaines réserves sur le choix des morceaux, loua le recueil « qui nous révèle un genre de poésie anglaise peu connu encore chez nous, et qui contient des pièces de grande originalité 1 ». Et, dans les Annales de la littérature et des arts, Edmond Géraud ne proposait rien moins que de faire pour la France un recueil de même nature : C’est surtout en lisant cette collection de ballades étrangères, disait-il, que nous avons regretté plus d’une fois qu’il ne soit tombé dans la pensée d’aucun homme de goût de faire aussi quelques voyages à travers nos provinces, avec le projet d'y recueillir nos chansons historiques et ces vieilles romances qui se chantent encore dans nos veillées de village, ou dans les travaux de la campagne. Un tel projet ne pourrait paraître tout à fait inutile qu’à ces esprits dédaigneux qui se sont depuis longtemps accoutumés à croire que toutes les sources littéraires résidaient uniquement dans les bibliothèques de Paris. Mais les hommes enclins à penser que les traditions des vieux temps, que la trace de certaines superstitions ou le souvenir de certaines catastrophes locales, font aussi partie de l’histoire poétique d’une nation, ces hommes-là, disons-nous, accueilleront sans doute avec un vif intérêt un recueil de chants populaires, traduits des différents patois que l’on parle encore dans quelques parties de la France... D’ailleurs, combien de beautés nouvelles, combien de situations attachantes dorment peut-être au fond de cette littérature des hameaux, qui, pour avoir ses racines dans notre propre sol, n’en demeure pas moins encore beaucoup trop ignorée parmi nous. Le talent ne doit rien dédaigner :il est probable, comme l’observe fort bien M m ' de Staël (sic), que les événements racontés dans l'lliade ou dans l’Odyssée, étaient chantés par les nourrices avant qu’Homère en fit le chefd’œuvre de l’art... Qui peut prévoir ce qu’un homme doué d’une vive imagination apercevrait dans tel récit de nos fllandières des Vosges ou des Pyrénées ? Nous avons remarqué, pour notre compte, une foule de chansons languedociennes et surtout des rondes gasconnes, où se trouvent, parmi des détails de mœurs très piquants, des sujets de contes ou de ballades, dont pourrait tirer le plus grand parti ce

1 Le Globe, 1825, p. 165.