"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE 11.

grecs qu’offrait Fauriel, aux ballades écossaises traduites par Artaud, auxballades allemandes, Scandinaves,, anglaises, aux romances espagnoles, aux chants serbes; mais presque personne ne s’intéressa à la poésie populaire française. Peu nombreux furent ceux qui songèrent à s’inspirer de la littérature nationale du moyen âge, qui est, on le sait, un produit aussi collectif, anonyme, impersonnel que l’est la vraie littérature populaire 1 . « Cela doit paraître une chose étrange, dit le professeur américain Henry A. Beers, lorsqu’on se rappelle que la littérature française du moyen âge fut la plus influente de l’Europe et quelle contient, depuis la Chanson de Roland jusqu’au Roman de la Rose et Villon, le plus riche trésor de sujets romantiques : chroniques, chansons de geste, romans d’aventures, fabliaux, lais, légendes de saints, homélies, miracles, chansons, farces, jeus partis, pastourelles, ballades, bref, tous les genres cultivés au moyen âge. Il est vrai que cette littérature ne resta pas sans exercer une certaine influence sur les romantiques de 1830. Théophile Dondey écrivit un poème sur Roland ; Gérard de Nerval célébra la naïveté et la couleur nationale des chansons populaires de la Touraine ; mais ce fut tout ou presque tout. Les principales inspirations vinrent de l’étranger 2 . » On pourrait ajouter plus d’un nom à la liste de M. Beers, mais la conclusion resterait sensiblement la même. Du reste, ce manque de sympathie envers le passé de leur pays fut de bonne heure reproché aux romantiques français. Déjà en 1814, le classique Dussault écrivait dans le Journal des Débats : « Si la chanson

1 A ce sujet, voir les Épopées françaises de Léon Gautier, t. 11, Paris. 1892. 2 H. A. Beers, Romanticism in the XlXth Century, New-York, 1902, pp. 190-191.