"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

PROSPER MÉRIMÉE AVANT « LA GUZLA ».

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y a trente ans, vous vous en souvenez, nous étions assis sur les bancs du même collège ; maintenant, c’est à l’Académie que nous nous retrouvons, ou plutôt, sans nous être jamais quittés, poursuivant chacun des études chéries, nous leur devons, l’un et l’autre, la plus flatteuse distinction que puisse ambitionner un homme de lettres 1 . » Mais à cette epoque 1 Académie était chose lointaine, et l’on s’occupait simplement à lire et à admirer les poèmes ossianiques. On nous permettra de citer pour la seconde fois la lettre qu’au mois de janvier -1820, Ampère ecrivaità son ami Jules Bastide: « Je continue avec Mérimée à apprendre la langue d’Ossian, nous avons une grammaire. Quel bonheur d’en donner une traduction exacte avec les inversions et les images naïvement rendues 2 ! » Il avait alors dix-neuf ans ; Mérimée, son professeur, n’en avait que seize. Mais Ossian était bien vieux en 1820; ils le laissèrent bientôt de côté. Tout en conservant leur inclination pour les « images naïvement rendues », ils s’éprirent de Byron. Le changement devait se produire brusquement, car, quatre mois seulement après la lettre que nous venons de citer, Ampère en écrivait une autre à Bastide à l’occasion, cette fois, de ses lectures byroniennes ; il lui envoyait quelques vers qu’il avait traduits de la première scène du premier acte de Manfred^ . Les deux jeunes hommes dévoraient le

1 Réponse au discours de réception de J.-J. Ampère à l’Académie française, le 18 mai 1848. 2 André-Marie Ampère et Jean-Jacques Ampère, Correspondance et souvenirs {de 4805 à 18Si), recueillis par M- H. Cfheuvreux], Paris, 1875, 1. 1, p. 160. 3 Le 20 mai 1820. Cf. E. Estève, Byron et le romantisme français, Paris, 1907, pp. 63 et 68.