"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

INFLUENCE DE NODIER.

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ainsi : Mérimée n’alla jamais rendre visite à son vieux devancier qui, tout en gardant ses bonnes relations avec les réactionnaires en matière littéraire, patronnait les jeunes, leur ouvrait les portes du Théâtre-Français et, dans la mesure où il le pouvait, celles de l’Académie l . Il y avait, à ce qu’il nous semble, un ressentiment purement personnel entre Mérimée et « l’aimable Charries Nodier » et nous croyons que ce ressentiment était dû à ITllyrie. Le lendemain du jour où parut la Guzla, c’est Mérimée lui-même qui le raconte dans sa lettre à Sobolevsky Nodier « cria comme un aigle »de ce qu’il avait été pillé. On avait probablement parlé à l’Arsenal du livre anonyme dalmate témoin une critique du Globe qui contient certaines indications très significatives, et dont nous nous occuperons ailleurs 2 ; c’est à la suite de cette conversation que Nodier se serait plaint de « pillage » et il est possible que V. Hugo, alors ami de Mérimée, l’un des visiteurs les plus assidus de Nodier, ail été mêlé à cette affaire. Ce serait lui. en effet, qui, le premier, aurait dévoilé la supercherie et inscrit en tête de son exemplaire de la Guzla ces deux mots : M. Première Prose qui constituent l’anagramme de Prosper Mérimée 3 . Si Nodier véritablement a « crié comme un aigle » ou s’il s’est contenté de reprocher amèrement au jeune illyricisant de l’avoir suivi sans le reconnaître, ■ — c’est ce que nous ne saurions dire. Malgré de nombreuses et longues recherches (la bibliographie de Nodier laisse toujours à désirer), nous n’avons réussi à trouver aucune trace d’une accusation quelconque dans les écrits de Nodier, dans sa correspondance, etc. Et

1 Cf. Léon Séché, le Cénacle de la Muse française, Paris, 1908, p. 317. 2 Voir ci-dessous, ch. vin, § 2. 3 M. Tourneux. L’Age du romantisme, 5 e livraison. 15