"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

« HYACINTHE MAGLANOVICH. »

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modestie de ses confrères occidentaux : « L’histoire du bey Spalatin, de sa petite-fille morte et de sa tribu délivrée, est la plus belle qui ait jamais été chantée sur la guzla. » Le poème de Mérimée diffère trop de celui de Nodier pour qu’on puisse prétendre qu’il en soit une simple copie. La « couleur locale » est répandue à flot chez ce vieux gaillard moustachu d’Hyacinthe Maglanovich, grand mangeur, beau buveur, vaniteux et capricieux, qui sait louer ses propres poèmes comme le poète de Nodier. « L’Aubépine de Veliko, dit-il au début de son histoire, par Hyacinthe Maglanovich, natif de Zuonigrad, le plus habile des joueurs de guzla. Prêtez l’oreille !» Le poète illyrique, d’après Mérimée, n’est pas seulement un bon chanteur : c’est un vrai maître chanteur, qui sait choisir le moment le plus intéressant pour couper son récit en deux et faire appel à la générosité de son auditoire : Quand elle eut mangé ce fruit, qui avait une si belle couleur, elle se sentit toute troublée, et il lui sembla qu’un serpent remuait dans son ventre. Que ceuæ qui veulent connaître la fin de cette histoire donnent quelque chose à, Jean Bietko 1 . Seulement, sous le rapport de la « couleur locale », il n’est pas beaucoup plus vrai que le barde de Nodier. Il est rapiécé, fait de morceaux divers, étalés sur son fond d’une authenticité douteuse, que Mérimée avait emprunté à son prédécesseur. Mais laissons Nodier pour le moment et examinons de plus près de quoi se compose cette fameuse « couleur » d’Hyacinthe Maglanovich. Et tout d’abord, Mérimée devait avoir vu quelque part et pris « sur le vif » le

1 La Guzla, pp. 81-82.