"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

visage pittoresque de son poète, car il le reproduisit presque sans changement une année plus tard, sous un casque formidable, lorsqu’il dessina son capitaine de retires au premier chapitre de la Chronique du temps de Charles IX. La ressemblance est frappante entre le Slave et le Germain, qui sont esquissés tous les deux, semble-t-il, d’après le même modèle parisien :

Notice sur Maglanovich : Hyacinthe avait alors près de soixante ans. C’est un grand homme, vert et robuste pour son âge; les épaules larges et le cou remarquablement gros. Sa figure est prodigieusement basanée ; ses yeux sont petits et un peu relevés du coin ; son nez acquilin, assez enflammé par l’usage des liqueurs fortes ; sa longue moustache blanche et ses gros sourcils noirs forment un ensemble que l’on oublie difficilement quand on l’a vu une fois. Ajoutez à cela une longue cicatrice qu’il porte sur le sourcil et sur une partie de la joue. II est très extraordinaire qu’il n’ait pas perdu l’œil en recevant cette blessure.

Chronique de Charles IX : C’était un grand et puissant homme de cinquante ans environ, avec un gros nez aquilin, le teint fort enflammé, les cheveux grisonnants et rares, couvrant à peine wie large cicatrice qui commençait à l’oreille gauche et qui venait se perdre dans son épaisse moustache. 1

D’autres détails sont ramassés un peu partout ; la description du guzlar est empruntée à Fortis :

Fortis : Dans les assemblées champêtres, qui se tiennent à l’ordinaire dans les maisons où il y a plusieurs filles, se perpétue le souvenir des anciennes histoires de la nation. 11 s’y trouve toujours un chanteur qui

Mérimée : Je dirais seulement quelques mots des bardes slaves ou joueurs de guzla, comme on les appelle. La plupart sont des vieillards fort pauvres, souvent en gue-

1 Chronique durègne de Charles IX, Paris, 1842, pp. 15-16.