"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

« HYACINTHE MAGLANOVIGH. »

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accompagne sa voix d’un instrument, appelé guzla, monté d’une seule corde, composée de plusieurs crins de cheval entortillés... Plus d’un Morlaque est en état de chanter, depuis le commencement à la fin, ses propres vers impromptus, toujours au son de la guzla... Leur chant héroïque est extrêmement lugubre et monotone. Ils chantent encore un peu du nez, ce qui s’accorde, il est vrai, assez bien avecle son de l’instrument dont ils jouent... Un long hurlement, consistant dans un oh ! rendu avec des inflexions de voix rudes et grossières, précède chaque vers, dont les paroles se prononcent rapidement, et presque sans modulation qui est réservée à la dernière syllabe, et quifinitparun roulement allongé... Quand un Morlaque voyage par les montagnes désertes, il chante, principalement de nuit, les hauts faits des anciens rois et seigneurs slaves, ou quelque aventure tragique. S’il arrive qu’un autre voyageur marche en même temps sur la cime d’une montagne voisine, ce dernier répète le verset chanté par le premier. Cette alternative de chant continue aussi longtemps que les chanteurs peuvent s’entendre 1 .

nilles, qui courent les villes et les villages en chantant des romances et s’accompagnant avec une espèce de guitare, nommée guzla, qui n’a qu’une seule corde faite de crin... Ces gens ne sont pas les seuls qui chantent des ballades ; presque tous les Morlaques, jeunes ou vieux, s’en mêlent aussi : quelques-uns, en petit nombre, composent des vers qu’ils improvisent souvent. Leur manière de chanter est nasillarde, et les airs des ballades sont très peu variés ; l’accompagnement de la guzla ne les relève pas beaucoup, et l’habitude de l’entendre peut seule rendre cette musique tolérable. A la fin de chaque vers, le chanteur pousse un grand cri, ou plutôt un hurlement, semblable à celui d'un loup blessé. On entend ces cris de fort loin dans les montagnes, et il faut y être accoutumé pour penser qu’ils sortent d’une bouche-humaine. De même, les données topographiques de l’introduction (Zuonigrad, Livno, Scign, Zara, etc.) sont tirées du Voyage en Dalmatie et des cartes qui l’accompagnent, ■ —• il faut le reconnaître, avec un grand souci d’exacti- ' tude et de façon à ne rien avancer qui ne soit vraisemblable. 1 Voyage en Dalmatie, t. I, pp. 129-136.